"tu me passes une bière s'teuplait?" sur son visage se dessinait ce petit sourire envoûtant, celui auquel il n'avait jamais pu résister, qui lui rappelait les premiers jours, deux ans auparavant. Comme une fleur elle était arrivée, pleine de légèreté, trois petits coups secs sur la porte, ce même sourire sur son visage. "bonjour, mr. xx, vous êtes bien le journaliste qui bosse sur le tueur de 2006 ?" qui aurait pu s'imaginer que cette requête serait à l'origine d'une longue coopération et d'une amitié ambiguë entre les deux futurs colocataires.


Elle était différente de ces bimbos écervelées qui lui offraient un semblant d'affection lors de ses coups d'un soir si fréquents. Elle était spéciale, elle était passionnée et prête à tout pour trouver des pistes sur le tueur qui avait tué son fiancé une nuit de janvier 2012 et cette passion destructrice était à la fois c'est ce qui l'attirait en elle et ce qu'il craignait à lui en glacer le sang. Tandis que lui, il la gardait sur terre, lui donnait une raison de sourire, une occupation à laquelle vaguer lorsque les images de son passé lui revenaient. Cependant, malgré cette ambiguïté permanente entre les deux passionnés, jamais ils n'avaient envisagé une amourette qui ne puisse risquer de gâcher leur "amitié échappatoire", comme ils aimaient l'appeler.

"quoi? une bière? nah" il porta le goulot de sa bière à ses lèvres, narguant par la même occasion sa colocataire. "j'vais te tuer" elle saisit un coussin avant de se lancer à la poursuite de Simon. Le son de leur rires, de leur pas de courses et de leur cris résonnaient dans tout l'appartement tandis que les coussins voltigeaient dans les airs à tour de rôle. "une dernière volonté, monsieur ?" demanda-t-elle, son fameux sourire aux lèvres, elle brandit son coussin dans les airs, quelques centimètres au dessus de son colocataire. Une ou deux minutes de silence s'écoulèrent suite à cette innocente demande avant le moment tant attendu. Après deux ans, un nombre incalculable de sourires envoûtants, de discussions interminables et de regards passionnées, il finît par l'embrasser, d'abord avec hésitation puis finalement avec passion.

la passion partagée par les deux colocataires transforma très vite ce baiser en "une nuit d'amour". Éveillée, elle cogitait dans le lit de Simon, endormi, dévêtu à ses côtés. Les souvenirs des dernières années défilaient dans sa mémoire tourmentée, les souvenirs avec son fiancé cruellement assassiné, qu'elle avait aimé et qu'elle aimerait sûrement aussi longtemps qu'elle respirerait mais aussi ces années d'auto destruction suite à la perte de son fiancé. Son amitié avec Simon lui revenait aussi en tête, sa lutte incessante avec elle-même pour ne pas succomber à son charme ravageur, la fidélité qu'elle devait à son fiancé qu'elle avait l'impression d'avoir trompé après cette nuit avec son meilleur ami. Et si elle avait fini mariée avec Simon suite à cette "malédiction" dont elle était victime de par ses origines de Paradise ? oh, combien elle se serait sentie coupable qu'un autre lui passe la bague au doigt.  Elle se sentait sale, honteuse, idiote.

En silence, elle quitta l'appartement, une valise à la main, quittant aussi la vie de Simon avec la même légèreté avec laquelle elle était entrée dans sa vie deux ans plus tôt. Sans un mot, sans une explication, sans un au revoir, elle s'en alla, balançant ainsi leur souvenirs ensembles par la fenêtre. Elle devait sortir de sa vie, elle était aussi malsaine pour lui qu'il l'était pour le souvenir fragile de sa vie de couple avec son ex-fiancé, du moins c'est ce qu'elle se disait pour se donner bonne conscience lorsqu'elle s'imaginait son meilleur ami se réveiller et trouver l'appartement déserté par celle qui lui avait tenu la main pendant deux ans et probablement celle qu'il avait véritablement aimé. Peut-être était-elle lâche, ou simplement effrayée par la force de ses sentiments pour le jeune homme.

Un mois qu'il se noyait dans différents mélanges alcooliques pour oublier à quel point il avait été faible d'avoir cédé à ses sentiments pour la jeune femme. Il comptait l'oublier, vraiment. Combien de femmes différentes et complètement saoules s'étaient-ils tapés dans l'espoir d'oublier Alaska le temps d'une nuit ? Même lui avait perdu le compte mais peu lui importait, c'est ainsi qu'il avait toujours réagi à ses problèmes, se taper des écervelées après une bonne cuite. Mais Alaska, c'était la plus longue cuite de sa vie, l'adrénaline avait duré deux ans avant la gueule de bois, celle qui fait bien souffrir et regretter tous les verres ingurgités. "Et puis merde" se dit-il, saisissant son ordinateur portable, il finit par ouvrir le mail qu'il avait reçu depuis déjà trois semaines. "sujet: Alaska Baxter, coordonnées" tel un remède à sa gueule de bois.